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L'affaire Société Générale vs J.Kerviel doit être rejugée

La vérité sur l'affaire Société Générale vs Jérôme Kerviel a été ignorée jusqu'ici par les juges.

Les boniments d'un banquier

Polytechnicien, énarque et inspecteur des finances, M. Frédéric Oudéa est un fort en maths, un homme d’une grande intelligence, mathématique et logique.

Pourtant, le 21 octobre 2013, en conférence à HEC Paris (1), une question à propos de « l’affaire Kerviel » sembla lui faire perdre son assurance. Le raisonnement était confus.

Le préambule de la réponse était pourtant assez prometteur : « Je vais vous expliquer un peu l’affaire Kerviel. J’en parle très, très peu publiquement, et j’en parle très peu, en en pensant beaucoup. »

Hélas, après un couplet compassionnel sur son entreprise, ses salariés et ses clients, les explications fournies furent loin d’être à la hauteur d’un auditoire de grande école :

_« M.Jérôme Kerviel, il masque des vrais positions, qui sont beaucoup plus importantes que tout ce qu’il est autorisé à faire, par des fausses positions dans les systèmes d’information. Et, quoi, quelle a été l’erreur dans… notre erreur dans le contrôle, c’est que nous…nous ne contrôlions que la somme des positions acheteuses-vendeuses, qui était petite, mais pas chacune des pattes. (2) »

De tels boniments ne sont pas dignes de l’intelligence de M.Frédéric Oudéa, ni de celle de son auditoire.

En réalité, les vraies positions sont celles que la chambre de compensation indique en temps réel via le courtier Fimat, filiale du groupe. Les vraies positions ne peuvent donc pas être « masquées » par de fausses positions entrées dans un système d’information autre que celui qui est comptable.

Car tel est bien le cas. Les « fausses positions dans les systèmes d’information » n’existaient QUE dans l’environnement informatique du trader (et encore…).

Les « fausses positions dans les systèmes d’information » n’existaient ni dans ceux qui alimentaient la comptabilité ni dans ceux qui alimentaient les services de contrôle. Elles ne pouvaient donc en aucun cas « masquer » les vraies positions communiquées aux services en question par la chambre de compensation, via Fimat. C’est Fimat qui certifie la comptabilité de la banque sur ces produits là.

Les seuls systèmes d’informations auquel Jérôme Kerviel avait accès, ceux dans lesquels il a entré des « fausses positions », comme dit M.Oudéa, sont des applications à la disposition des traders (Eliot et Safe)(3). Elles n’ont pas de valeur comptable, la banque sait qu’elles contiennent des erreurs (cf. jugement de la Cour d’appel de Paris).

Jérôme Kerviel n’a jamais pu fausser autre chose qu’une situation virtuelle. La situation réelle a toujours été hors de portée des opérations fictives. Elle est et était, faut-il le répéter, communiquée par la chambre de compensation.

Et quand M.Oudéa nous explique que les contrôles de la banque, à l’époque, ne regardait que la somme des positions réelles et des positions fictives, le boniment n’est vraiment pas à la hauteur de l’auditoire.

Comment croire qu’une grande banque comme Société Génarale-CIB puisse ne contrôler qu’une somme issue d’un logiciel de trading ouvert aux falsifications ? Et ce, sans comparer celle-ci aux états indiquant la situation réelle ?

Comment M.Frédéric Oudéa peut-il espérer faire croire cela à un auditoire, fût-il constitué de jeunes étudiants.

Plus loin, il utilise encore la légende de l’agent comptable des risques qui aurait découvert le pot-aux-roses le 18 janvier en calculant l’exposition aux risques de contrepartie à partir d’un fichier contenant des opérations annulées une semaine auparavant…

C’est faire là un bien piètre tableau de la banque, loin de la réalité.

Comment croire que les résultats que Jérôme Kerviel a dégagé au cours de l’année 2007 sur les seuls produits dérivés-listés ( près de 1,5 milliards d’euros au total), aient pu être dissimulés par ces fameux 8 « forwards » sensés en perdre autant en une fois.

Ces 8 forwards n’ont jamais été vérifiés, et ils étaient manifestement faux. Ils n’ont jamais été intégrés aux résultats de la banque. Ils n’ont jamais eu la moindre existence comptable. Saisis fin décembre 2007 dans l’application de trading et annulés le 9 janvier 2008, ils n’ont eu qu’une existence fugace dans un système non-comptable ouvert à toutes les saisies fantaisistes.

Comment ces opérations fictives improbables, qui n’ont jamais été comptabilisées, pas même intégrées aux engagements hors-bilan, auraient-elles pu masquer des résultats comptables passés au bilan tout au long de l’année ?

Cela n’est pas sérieux, et l’on ne peut que s’interroger sur la sincérité de M.Oudéa, car ses compétences ne peuvent être mises en doute. La sincérité finit néanmoins par revenir, quand, à une question sur la politique française, M.Oudéa évoque l’intense lobbying auquel la banque s’est livrée lors des dernières élections présidentielles.

Au vu du traitement médiatique du sujet, nul doute que le lobbying ne s’est pas adressé qu’aux politiques, certains médias semblent aussi y avoir été très sensibles.

1) https://www.youtube.com/watch?v=-6FZfUuAvLA&feature=youtu.be

2) "Chacune des pattes", jargon financier; une stratégie d'arbitrage comporte au moins deux opérations appelées "pattes" et joue généralement sur l'écart entre celles-ci. Dans le cas qui nous intéresse, une des deux "pattes" était uniquement constituée d'opérations fictives non comptabilisées; et l'autre d'opérations réelles et comptabilisées. Et M.Oudéa prétend que ses contrôleurs ne suivaient pas la comptabilité, alors qu'ils n'avaient rien d'autre sous les yeux. La "patte" fictive n'a jamais passé le filtre des contrôles du back-office.

3) Eliot était un logiciel de trading, il enregistrait les opérations passées directement sur les marchés organisés et permettait de saisir les autres opérations. Safe étant le logiciel permettant au trader de suivre sa trésorerie, il est alimenté via Eliot et tient compte des encours même s'ils ne sont pas encore validés par le back-office.

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